Une histoire qui commence à Venise, où on met en scène l'art ancien de la construction de bateaux en bois, un savoir-faire qui a transformé la ville, au fil des siècles, en "La Dominante". Un art que la Sérénissime République a su transmettre de génération en génération jusqu'à aujourd'hui.
Les mains qui les ont construits en 1955 étaient des mains vénitiennes expertes. Les quatre galions originaux du Palio delle Repubbliche Marinare - qui se tiendra le dimanche 19 décembre à Gênes - ont été conçus et construits par Giovanni Giuponi et ressemblent à la silhouette des galères antiques : construits en bois par la Cooperativa Gondolieri de Venise par Giuponi lui-même, ils ont été mis à l'eau le 9 juin 1956 sur la Riva dei Giardini Reali. Un moment important pour la ville, qui a également vu la bénédiction des bateaux par le patriarche de Venise Angelo Roncalli, qui a été élu pape deux ans plus tard sous le nom de Jean XXIII. Les bateaux ont coûté 3.566.000 lires et les rames 8.000 lires chacune.
Giuponi était le propriétaire du petit squero sur le Rio del Ponte Piccolo sur l'île de la Giudecca, qu'il a dirigé jusqu'à sa mort à l'âge de 91 ans en 1987. C'est là que "Nino" a travaillé comme squerariolo, capable de construire des bateaux de toutes formes et de toutes tailles. Nino squerariol - comme on l'appelait familièrement - était un expérimentateur dans son domaine, capable d'introduire des solutions techniques actualisées et de nouveaux matériaux à côté de ceux plus traditionnels assimilés dans ses jeunes années. En 1985, il a accepté d’écrire un manuel très détaillé décrivant les procédures de construction de la gondole dans toutes ses phases, rompant ainsi avec une coutume bien ancrée chez les constructeurs de navires qui consistait à transmettre leur savoir oralement, de père en fils ou de maître en ouvrier. Giuponi a commencé à travailler en 1920, apprenant le métier de son père, dans le squero in Fondamenta de l'Arzere all’Angelo Raffaele. De 1951 à 1965, il travaille pour la Coopérative Daniele Manin, dirigeant, en tant que chef de chantier, d'abord le squero de Rio de le Toreselle (aujourd'hui disparu), puis celui d'Ognissanti et enfin celui de San Trovaso, avant de se retirer pour travailler dans son propre chantier à Giudecca. Au cours de sa longue carrière, il a construit toutes sortes de bateaux : le sien était la "Disdotòna" de la Fondazione Querini Stampalia, un bateau à 18 rames, ou la "Carpaccesca", une gondole en fer que l'on voit également dans les tableaux de Carpaccio. Et les quatre galions pour le Palio delle Repubbliche Marinare ont aussi sa signature.
Aujourd'hui comme hier, les bateaux qui s'élancent sur l'eau pour concourir accueillent huit rameurs et un barreur et se distinguent par leurs couleurs et leurs splendides figures de proue : le lion ailé de Venise, qui rappelle le saint patron de la cité lagunaire, saint Marc l'évangéliste ; le cheval ailé d'Amalfi ; le dragon de Gênes, qui rappelle le saint patron de la ville, saint Georges ; l'aigle de Pise, qui symbolise l'ancien lien entre la République et le Saint Empire Romain Germanique. Le bateau qui franchit la ligne d'arrivée en premier, à la fin de la course, remporte le très convoité trophée en or et en argent réalisé par l'École d'orfèvrerie florentine, représentant un galion soutenu par quatre hippocampes, sous lesquels apparaissent les armoiries des quatre Républiques. Le trophée reste entre les mains de la ville gagnante pendant un an et est ensuite remis en jeu lors de la prochaine régate.
Le Palio delle Antiche Repubbliche Marinare, disputé sous le haut patronage du président de la République italienne, a lieu chaque année et est accueilli, à tour de rôle, dans les quatre villes. La régate est précédée d'un défilé historique, au cours duquel les participants se déguisent en personnages anciens qui caractérisent chaque république.
Venise est représentée par Caterina Cornaro, la reine qui a fait don de Chypre à la Sérénissime et est retournée dans sa patrie en tant que "fille préférée de Venise". Le défilé vénitien est ouvert par le gonfalon escorté par deux nobles, suivi de six trompettes et de quatre tambours. Il est suivi d'un groupe de huit nobles, chacun tenant une bannière de Saint-Marc, dont l'utilisation dans les processions remonte à 1177, lorsque le pape Alexandre III l'a donnée à Venise comme signe de l'autorité et de la domination reconnues de la République de Saint-Marc. Après les nobles, c'est le tour des dix sénateurs de la Sérénissime et d'un valet portant le chapeau du Sérénissime Doge sur un coussin de velours rouge. Ce dernier, en tunique et ample manteau rouge et or, porte sur la tête la corne ducale historique. Quatre ambassadeurs orientaux et huit demoiselles escortent Caterina Cornaro, qui est assise sur une chaise à porteurs soutenue par huit esclaves maures. Le souverain est accompagné de six membres de la délégation chypriote. Le cortège est fermé par un capitano da mar commandant une escouade d'esclaves armés.