L'eau potable à Venise, des tipiques vere da pozzo à l'aqueduc moderne

9 August 2021

Venise, 20 juillet 2021 - L'eau potable est essentielle dans la vie quotidienne. Aujourd'hui, le simple geste d’ouvrir le robinet est suffisant pour avoir de l'eau à la maison. Ce geste est soutenu par un processus complexe de pompes et systèmes modernes qui mènent l'eau qui vient des puits et de l’épurateur de Ca' Solaro dans les maisons de Venise et de ses îles. C’est un geste qui n'est pas si évident pour une ville qui, paradoxalement, vit au-dessus de l'eau mais n'a pas d'eau potable.

Depuis la fondation de la ville - qui, selon la tradition, trouve ses racines en 421 et fête donc son 1600ème anniversaire cette année - les habitants de Venise ont toujours dû se préoccuper de trouver de l'eau. Au début, ils récupéraient l'eau de pluie, puis ils ont inventé la vera da pozzo (terme qui indique la balustrade de protection fermée autour d’un puits), qu’on peut encore voir aujourd'hui dans le typique campo de Venise. Sous la balustrade se trouvait une citerne isolée avec de l'argile où l'eau de pluie, recueillie par les bouches d'égout, était filtrée, épurée et stockée (bien que les paramètres de cette eau épurée soient similaires à ceux de nos eaux usées). Ces puits étaient de véritables citernes publiques, remplies non seulement par la pluie mais aussi par les membres de la corporation Acquaroli, et gardées par eux-mêmes pour éviter des vols. Précisément parce qu'il n'y avait pas de sources d'approvisionnement, l'eau potable était considérée comme un bien très important à Venise et sa gestion était confiée à quatre Magistrature (autorités judiciaires), assimilables aux ministères d’aujourd’hui.

À la moitié du quinzième siècle, les autorités ont décidé que la seule source d'approvisionnement d’eau potable était le fleuve Brenta, qui a donc été tenu sous contrôle, creusé et même détourné. Au début du dix-septième siècle, on a construit le canal Seriola, d'où l'eau potable était prélevée et amenée à Venise à bord de grands bateaux, les burchi. Les puits, alimentés par la pluie et l'eau du Seriola, sont restés le seul système d'approvisionnement d’eau pendant des siècles, malgré les nombreux projets présentés au fil des ans. Cette situation a perduré jusqu'au début du dix-neuvième siècle, quand, avec l'arrivée des Français, on commençait à discuter sur la manière d'approvisionner Venise, en prenant en considération aussi l’augmente rapide du nombre des habitants : seulement en 1857 on en avait plus de 120 000, et ils vivaient dans des conditions sanitaires très précaires. L'état des puits (et donc de l'eau qu'ils contenaient) n'était pas bon et c'est aussi pour cette raison que de nombreuses épidémies de choléra ont éclaté ces années-là.

On avait donc besoin d’une solution drastique et radicale : la construction d'un aqueduc sous contrôle public. En 1874, après 300 ans de discussions et des dizaines de projets, le conseil municipal a décidé de construire un aqueduc qui prenait l'eau des fleuves Brenta et Seriola et l'amenait à Venise par des tuyaux posés au fond de la lagune. Les travaux ont été confiés d'abord à une entreprise anglaise, puis à une société française, la Société Générale des Eaux, qui a repris le contrat. Le soir du 23 juin 1884, après quatre ans de travaux, l'aqueduc est inauguré : la place Saint-Marc est éclairée et une fontaine d'où jaillit l'eau de l'aqueduc est installée bas du clocher. Cependant, la municipalité a obligé le fournisseur à trouver une source alternative au canal Seriola, qui n’était plus sain en raison de travaux hydrauliques. Après quelques semaines, plusieurs sources d'eau très pure ont été trouvées dans la zone de Sant'Ambrogio, dans la ville de Trebaseleghe (Pd). Et ceux-là sont les mêmes nappes qui alimentent encore aujourd'hui les robinets de Venise.

Au début, l'aqueduc alimentait les puits, les fontaines publiques et très peu d'utilisateurs privés, car les coûts du service étaient insoutenables pour la plupart des citoyens, qui donc continuaient à puiser de l'eau dans les nombreuses fontaines de Venise et dans les puits. Toutefois, en peu de temps, l’utilisation était étendue et, pour la fin du dix-neuvième siècle, les îles de Murano, Giudecca et Lido étaient également reliées. L’année 1923 est celui du changement : la Compagnia Generale delle Acque est chargée par la ville de Venise de gérer l'aqueduc pour 50 ans. Grâce à d'importants investissements et travaux, qui ont donné au service intégré de l'eau la forme et la structure que nous connaissons aujourd'hui, l'aqueduc a été poussé vers la modernisation et la croissance exponentielle du nombre d'usagers raccordés. En 1973, à l'expiration de la concession, le service est revenu à la municipalité qui, quatre ans plus tard, a créé Aspiv, une société entièrement publique qui deviendra ensuite Vesta (dès 2007 est appelée Veritas).